Autour des deux chefs-d’oeuvre de Jean Venel Casseus

Par Louis Carl Saint Jean

J’ai reçu, cet après-midi, des mains de mon ami Philippe Zamor deux ouvrages de Jean Venel Casséus. Permettez que je reformule la première phrase. J’ai reçu cet après-midi des mains de mon ami Philippe Zamor deux chefs-d’œuvre de l’artiste Jean Venel Casséus. Le premier, un recueil de poésie, s’intitule ” C’est d’une ruelle que naît l’amour“. Le second, une analyse sur la musique, il l’a donné comme titre : ” Ne joue pas avec la musique“. Sur l’heure, je les ai savourés, un comme caïmite et l’autre comme un plat de ” lalo ” et riz  blanc.


Ne sachant sur lequel je devais me pencher d’abord, j’ai fait un petit jeu avec la poésie et la musique : j’ai fait un tirage au sort. Le hasard m’a dicté la lecture de l’œuvre poétique. Je suis tombé, encore par un autre simple hasard, sur le poème ” Rue des Remparts “. J’ai tout de suite pensé à ” Rue des Pucelles ” du génial et inoubliable Richard Brisson.


Quelle audace ! Quelle imagination ! Jean Venel, en ce ” temps déraisonnable ” (j’admets que j’aime trop citer Léo Ferré), nous a invité carrément à faire le tour de Port-au-Prince et de ses environs. Il m’a fait penser au grand chanteur Pierre Blain qui aimait dire, dans le micro magique du Jazz des Jeunes :  ” Nous bûmes la ville et ses faubourgs.”


L’artiste-poète port-au-princien, ” de tout son être cartésien “, nous a mis dans un état de douce ivresse en nous faisant voir La Saline, ” quand il pleure son pays”. C’est vraiment le cas de pleurer, car La Saline n’est jamais devenue ” yon deuxième Bicentenaire”, selon la promesse que nous avait faite, en 1963, dans ” Reddition “, l’ancien préfet de Port-au-Prince, M. Windsor Day.


Ah ! Dans ” Bicentenaire”, il nous a appris que ” l’île a cicatrisé ses souvenirs”, bien qu’il soit trop jeune pour penser aux bienfaits de la Révolution de 1946 de l’Honorable Dumarsais Estimé et peut-être pas assez habile pour pouvoir panser les blessures que nous a infligées l’autre ” Révolution ” qui n’a jamais pu avoir lieu, même après trente années de perdues. Se rendant à la ” Rue Neuf “, le barde a souri par les rires d’une bien-aimée. ” À l’insu du hasard”, il n’a même pas rencontré le grand Hiram Dorvilmé, le chef de la mythique Orthophonique GB. Silence !


À la ” Rue de l’Enterrement ” qui m’a vu naître, il crie : ” Ci-gît la haine ! ” Mais ci-gît également la colère du tout Morne-à-Tuf devant le refus de Grann Sainte Anne ” dans l’insolence de la foi ” des Port-au-Princiens de tout poil.


Et comment ne pas aimer ” Poste Marchand” ! Il a vu ” un hymne dans le sourire ” de sa dulcinée. Jean Venel se veut un peu rêveur, car il dit qu’ ” Avec le temps ! Tout s’envole ” jusqu’à  l” Avenue N” pour aller ” dodo ” au  ” Haut Turgeau ” pour ” bricoler ses cauchemars” comme jadis, Carl Brouard, mon poète haïtien préféré, rêvait de  ” contempler à jamais le bout des orteils de Loulouse “. Je n’ai pu résister à méditer sur le dernier quatrain de son ” Bel Air “, le premier quartier de Port-au-Prince. Soutient le poète : ” :La vie a ses limites / Qui limitent nos actions / Mais jamais nos désirs / Et nos aspirations…” Je donne alors la parole aux ” Seize Djo”, notamment au plus sage d’entre eux… En tout cas, ” Morne Marinette”, ” Grand’ Ravine”, ” Solino”, ” Chancerelles”, ” Village de Dieu “, ” Ruelle Chrétien” et tous les autres quartiers de Port-au-Prince sont des ” récits à conter / D’Arc-en-ciel en furie / Qui font trembler les nuages”. Ainsi soit-il !

Je passe maintenant au deuxième ouvrage ” Ne joue pas avec la musique”, savamment préfacé par Nélio Saint Germain, PhD. Je ne vais pas en dire long afin de laisser aux lecteurs le soin de capter la grande connaissance de Jean Venel dans la musique, un sujet tellement important pour nous autres Haïtiens, ” un peuple qui chante et qui souffre, qui peine et qui rit, un peuple qui rit, qui danse et se résigne “, selon que nous avait si bien défini le Dr Jean Price Mars, notre bien-aimé Oncle.


Si Verlaine avait suggéré, dans son ” Art poétique”, “ De la musique avant toute chose”, notre poète-journaliste et maître en Relations internationales, nous dit : ” De la musique avant toutes les expressions “. D’une plume magique, l’auteur a fait un historique de presque tous les genres musicaux du monde entier :  ” le reggae”, “ le calypso “, ” le samba”, ” le bossa nova “, ” le tango”, ” la batchata “, etc.


Et, à la page 73, Jean Venel s’est penché sur ” le compas direct “. Il a abordé ce rythme national avec la lucidité qui caractérise tout vrai intellectuel. Pour dire encore mieux, il s’est démarqué du délire des ” tèt cho ” et des verbalismes incohérents des tonneaux vides. Il a reconnu que ” le Compas est un espace d’expression libre où les préoccupations sociales, les espoirs, les amours et les rêves peuvent être articulés, partagés et célébrés.” Quelle profondeur d’esprit !

Jean Venel ne s’est pas contenté de faire un résumé de ces genres musicaux mentionnés. Il a abordé bien d’autres aspects de la musique, tous aussi importants les uns que les autres. J’ai particulièrement savouré ” La musique dans la propagande politique”. ” Le chant à Staline “, par exemple, nous remet facilement dans l’ambiance des hymnes composés à la gloire de Soulouque, de Florvil Hyppolite, de Nord Alexis, de Sténio Vincent et, plus près de nous, du Dr François Duvalier, tous des chefs d’État qui n’avaient jamais ” mangé rien de froid “.


Jean Venel Casséus est un jeune haïtien de valeur. En ce beau printemps, le public, je n’en ai aucun doute, réservera un accueil chaleureux à ses deux ouvrages – que dis-je ? – ses deux joyaux : ” C’est d’une ruelle que naît l’amour” et ” Ne joue pas avec la musique”. Je souhaite d’ores et déjà à tous et à chacun une agréable lecture.


Comments (0)


Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *